Qu’est-ce qu’une entreprise familiale ?
Qu’est-ce qu’une entreprise familiale ?

Qu’est-ce qu’une entreprise familiale ?

L’approche définitionnelle « pluri-critères » de l’entreprise familiale qui a atteint son ultime raffinement avec l’échelle Pouvoir-Expérience-Culture a conduit à une profusion de combinaisons et donc de types d’entreprises dites « familiales ». Aussi, les recherches empiriques, à travers les résultats qu’elles ont produits, foisonnent d’observations et de liens pas toujours cohérents ; ce qui s’explique notamment par l’adoption de définitions voulant embrasser le plus large nombre d’entreprises. La poursuite de l’universalisme définitionnel conduit à envisager toute entreprise comme familiale à un degré plus ou moins élevé. Si l’existence d’une âme familiale dans toute organisation et dans toute entreprise ne peut être niée, cette position semble assez critiquable car elle éloigne la recherche dans ce domaine de ses préoccupations premières. Qu’il y a-t-il de en effet commun entre une entreprise cotée en bourse fondée par un entrepreneur (peut être grâce à un appui familial), une multinationale professionnalisée contrôlée par les descendants du fondateur, une entreprise dont les capitaux sont détenus majoritairement par ses dirigeants et une PME dirigée par un fondateur et ses enfants ? A notre avis, pas beaucoup de choses même si la recherche académique a tendance aujourd’hui à qualifier ces quatre entités de « familiales ». A ce titre, le point de vue de Gattaz (2001) semble pertinent et précis quand il qualifie ces entreprises de « patrimoniales » et non de « familiales ».

L’influence effective sur la décision : critère sine qua non d’identification de l’entreprise familiale

S’il est un critère qui permet, à notre avis, de caractériser de manière claire l’entreprise familiale, le critère du contrôle et plus précisément de l’influence effective sur la décision serait le plus pertinent. L’échelle du « pouvoir » prôné par Klein et ali. (2005) pourrait constituer, en effet, à elle seule une ligne de démarcation entre entreprises familiales et non familiales. Avant même d’évoquer la littérature en gouvernance d’entreprise, un regard jeté sur le droit des sociétés ou le droit comptable aide à définir le contrôle et à identifier ses dimensions. Par exemple, le règlement 2004-03 du comité de réglementation comptable (relatif aux comptes consolidés) définit dans son article 2, pour les entités ad hoc, le « contrôle contractuel en substance » comme le contrôle établi si 2 des 3 critères suivants sont reconnus à la société consolidante :

–           le pouvoir de décision,

–           le bénéfice de la majorité des avantages économiques,

–           le poids de la majorité des risques.

Ces trois critères semblent fortement pertinents pour l’application de la notion de « contrôle » à l’entreprise familiale. En particulier, le premier de critère semble nécessaire et suffisant pour l’identification de l’entreprise familiale. En effet, l’influence effective et le pouvoir de décision à court, moyen et long terme détenus par une famille permettent de qualifier l’entreprise de familiale. Forts intéressants, les deux autres critères (le bénéfice de la majorité des avantages économiques et le poids assumé de la majorité des risques) ne peuvent en revanche à eux seuls permettre de qualifier une entreprise de « familiale » : une famille ou un propriétaire qui tire de son entreprise la majorité des avantages économiques, parce qu’investissant sa richesse dans cette entité, contrôle une entité qualifiée d’« entreprise à capitaux familiaux ». Par ailleurs, même si le poids de la majorité des risques va en général de pair avec la nomination ou la représentation des intérêts de la famille par un dirigeant membre de la famille, ce critère n’est pas non plus à lui seul suffisant.

En résumé, le contrôle de la décision par une famille est le critère nécessaire à lui seul pour qualifier l’entreprise de familiale. Pour reprendre deux des trois dimensions du contrôle décrites par Allouche et ali. (2007), nous pouvons dire que le pouvoir d’influence détenu par la famille et l’exercice effectif de la direction permettent d’identifier une entreprise familiale. Notons, en outre, la nécessaire stabilité de ce contrôle sur une certaine période. Toutefois, si l’intention de transmission ou l’occurrence effective de cette transmission peuvent informer sur la stabilité du contrôle, le critère de la transmission n’est à pas notre avis indispensable. En effet, on peut inclure dans l’ensemble des « entreprises familiales », l’entreprise personnelle dans laquelle le dirigeant-fondateur agit dans l’intérêt de sa famille, et lorsque ses décisions et actions représentent celles de sa famille ayant un droit de regard, et cela même si aucune intention de transmission intrafamiliale n’existe. A contrario, un entrepreneur individuel agissant pour son compte, et sans l’implication ni, au moins, le regard de sa famille, ne devrait, et ne chercherait pas, à qualifier son entreprise de « familiale » (Gattaz, 2001).

Enfin, notons qu’il n’est pas nécessaire d’assurer une implication patrimoniale forte, c’est-à-dire la détention de la majorité des capitaux propres afin de s’accaparer du pouvoir d’influence au sein de l’entreprise. Si l’on exclut les possibilités de soutiens durables ou d’ententes avec des partenaires financiers, le contrôle d’une faible part du capital peut, par le biais de la multiplication du pouvoir via les structures de groupe, garantir une influence significative sur la stratégie. A la limite, dans certaines situations, la détention d’une minorité de blocage pourrait garantir un contrôle direct sur l’entreprise.